Réduire de 1 °C la température (ne) permet (pas) de réduire de 7 % la consommation

Rédigé par Kevin Sartor - - Aucun commentaire

Baisser de 1 °C la température de chauffage permet d'économiser 7 % de la consommation en chauffage d'un bâtiment". Oui mais non et nous allons voir pourquoi!

Oui

Cette affirmation est référencée à l'ADEME (organisme français). En théorie, elle est vraie mais manque de contexte: elle est vraie lorsque le chauffage dans le bâtiment fonctionne H24 7 jours sur 7 ce qui était le cas il y a plusieurs dizaines d'années lorsque les régulations de chauffage étaient peu courantes (thermostats d'ambiance dans le résidentiel ou gestion technique centralisée dans les bâtiments tertiaires)!

Hypothèses:

  • La température de chauffage est de 21 °C
  • La température moyenne extérieure est de 7 °C
  • La différence de température moyenne est de 14 °C. C'est cette différence de température qui est une image de la quantité de chauffage nécessaire (indépendamment de l'isolation

Une diminution de 1 °C (soit 20 °C) implique une différence de température de 13 °C

Dès lors l'économie de chauffage sera en première approximation de 1 - (13/14) = 7.1%

Une diminution de 1 °C supplémentaire (soit 19 °C), implique une différence de température de 12 °C et donc une économie totale de 14.3 %

Mais non...

Mais ceci est uniquement vrai pour un bâtiment dont le chauffage fonctionnerait tout le temps

Cependant cela fait des années que la plupart des bâtiments (résidentiels ou non) sont chauffés via un horaire - c'est ce que l'on appelle l'intermittence. Par exemple un bureau est chauffé de 8 à 18h soit seulement 50 heures par semaine (sur les 168h que compte la semaine). Pour un domicile, on peut tabler sur 60 à 80 h par semaine en fonction du comportement (exemple: de 6 à 8h et de 17 à 23h en semaine et de 8 à 23 le WE) ce qui représente moins de la moitié du temps... Cet horaire est généralement communiqué à la chaudière à l'aide d'un thermostat d'ambiance permettant pour les plus élaborés de redémarrer le chauffage uniquement lorsque c'est nécessaire: c'est l'optimisation (nous y reviendrons).

L'effet de cette intermittence va dépendre de l'isolation du bâtiment, de son inertie, des périodes d'inoccupation et du système de chauffage. Pour un immeuble de bureaux, l'ADEME a calculé fin des années 80 des économies allant de 15 à 40 % en fonction de la taille (et compacité) du bâtiment, de son inertie et de son isolation: les économies seront d'autant plus grande que le bâtiment est mal isolé, petit et peu inertiel [1].

L'optimisation, elle, permet d'éviter de redémarrer le chauffage trop tôt. En effet, si la température de confort souhaitée est de 21 °C à 6h30, il est inutile de démarrer la chaudière à 6h s'il fait déjà 20 °C dans la pièce de référence où se trouve le thermostat d'ambiance et en fonction des paramètres, il démarrera peut être la chaudière vers 6h15...

Et donc, quelle économie puis-je espérer?

Il est très difficile de donner un chiffre exact mais il y a un autre paramètre à prendre en compte pour essayer d'estimer cette réduction: la température de ralenti.

En effet, avec un horaire, la chaudière est coupée durant les périodes d'inoccupation (la nuit, durant la journée lorsque l'on est au travail...). Toutefois, une température minimale est imposée afin d'éviter au logement de refroidir "de trop". Cette température est de l'ordre de 14 à 18 °C d'une part pour éviter un inconfort lors de la relance et d'autre part pour éviter la condensation (le minimum étant de 12 °C). Du coup, en fonction de cette température (et des caractéristiques du bâtiment), l'économie de chauffage sera différente.

Sur base des calculs précédent eten faisant l'hypothèse que la température moyenne pondérée du chauffage représente la température moyenne du logement, il est possible d'estimer une réduction de l'ordre de 2 à 3 % pour un domicile (70h / semaine) et de 1.5 à 2 % pour un bureau (50 h par semaine) lorsque l'on diminue la consigne de température de chauffage de 1 °C. Intuitivement cela me semble assez cohérent puisque la réduction de la température (et la réduction d'énergie nécessaire pour maintenir la température) est effective durant une période inférieure à 50% du temps.

Conclusions

L'affirmation du titre n'est pas fausse mais n'est pas contextualisée puisqu'avant le ralenti du chauffage la nuit n'était pas répandu (l'énergie était (très/trop?) bon marché).

Utiliser un thermostat d'ambiance, si ce n'est déjà fait, représente la première étape pour réduire ses consommations liées au chauffage. De plus, il convient de vérifier que les horaires encodés correspondent toujours à l'utilisation du bâtiment.

Bien que l'isolation et l'étanchéification d'un logement soient les solutions les plus efficaces pour réduire (drastiquement) les consommations de chauffage d'un bâtiment, les budgets sont généralement assez élevés. Dès lors, il est possible de réduire la température de confort pour espérer quelques pourcents d'économies supplémentaires. Une solution complémentaire peu onéreuse est de placer des vannes thermostatiques (sur horaire de préférence) pour ne chauffer les pièces que lorsque c'est nécessaire. Vous retrouverez d'autres solutions ici et .

Sources

Guide pour la pratique de l'intermittence du chauffage dans le tertiaire à occupation discontinue, ADEME, CSTB, 1989

Les commentaires sont fermés. Vous pouvez me contacter pour toutes questions ou remarques via la page Contacts.