L'impact du télétravail sur nos consommations et nos émissions

Rédigé par Kevin Sartor - - Aucun commentaire

Le télétravail a un coût pour les employés en augmentant les charges au domicile avec comme potentielle compensation une réduction des frais liés au déplacement. Qu'en est-il et quel est l'impact environnemental du télétravail (via quelques hypothèses)?

Chauffage

C'est l'un des postes les plus compliqués à déterminer... En été: pas de surcoût * et pas d'impact environnemental à la hausse ou à la baisse vu qu'il n'y a pas d'utilisation du chauffage ni au domicile ni au travail (on part du principe qu'il n'y a ni climatisation au domicile et au bureau). En hiver... cela dépend du mode de production de la chaleur, de la régulation, de l'utilisation des bureaux, de l'isolation de votre domicile et des bureaux...

Imaginons un bâtiment de bureaux où la moitié du personnel est en télétravail: l'impact sur la consommation du bâtiment pourrait être assez faible et dans certains cas il pourrait même tendre vers une légère augmentation:

  • vu l'absence du personnel et du matériel informatique, les gains internes du bâtiments vont être diminués impliquant potentiellement une augmentation de la consommation de chauffage si rien n'est fait au niveau de la régulation (générale ou locale);
  • il est fort probable que les bureaux inoccupés soient aussi chauffés car il y a rarement une régulation par bureau qui est modifiée (la vanne thermostatique reste souvent sur la même position impliquant le chauffage du bureau que l'utilisateur soit là ou non)
  • Dans les bureaux partagés, il est fort probable qu'au moins une personne utilise le bureau pendant que l'autre est en télétravail impliquant également le chauffage du bureau (la mutualisation est donc perdue).

=> Le télétravail va engendrer une consommation complémentaire à votre domicile qui ne sera probablement pas compensée à votre bureau.

Ayant peu de données liées à la surconsommation, je me base sur la consommation moyenne d'un ménage belge qui est de 20 MWh (considérons ici de gaz). L'utilisation de votre domicile sera augmentée d'environ 25% (40h/ semaine) mais ne mènerait qu'à une surconsommation de 15% (car il y a de l'inertie dans le bâtiment). Il y a 170 jours de travail (durant la période de chauffe). Cela mène alors à une surconsommation quotidienne de 20 [MWh]*0.15/170 [jours] soit environ 17 kWh/jour soit 1.7 m³ de gaz / jour.

L'impact environnemental quotidien serait alors en moyenne de 4.3 kg de CO2 [251g/kWh pour le gaz naturel]. Ce bilan sera revu à la baisse si vous parvenez à réduire le chauffage à une partie de votre domicile uniquement.

* On supposera qu'il n'y a ni climatisation chez l'employé et l'employeur

Trajets

C'est le gain le plus substantiel en télétravail et il dépend fortement de la distance domicile-travail et du mode de locomotion.

Exemple: pour un trajet en voiture unique de 25 km (50 km aller-retour) et une consommation de 7l/100km, cela représente un coût de l'ordre de 7€ (pour un coût de 2€ du litre) et un impact environnemental direct évité de 10.7 kg de CO2 (3.06 kg CO2 / litre de gazoil*). Mais des analyses de cycle de vie montrent que l'impact "total" est de l'ordre 270 g CO2/km ce qui porterait à 13.5 kg de CO2 évités (et les particules fines, les NOx...).

Dans le cas des autres modes de transports, cela peut être différent:

Bus/Train: de nombreux employeurs remboursent les frais liés à ces modes de locomotion... Dès lors le seul avantage est une diminution de l'impact environnemental. On estime que le km/passager d'un bus est de l'ordre de 100 g/km.

Vélo: on évite environ 21g de CO2 / km. D'un point de vue économique, cela peut parfois être au désavantage de l'employé dans le cas où il est défrayé pour ces trajets à vélo (qui compense généralement plus que les frais liés au vélo).

* valeur utilisée précédemment dans l'ETS.

Les différents facteurs d'émissions proviennent de cette analyse de cycle de vie.

Électricité

En se basant sur un luminaire de 50 W, un ordinateur et un écran dont la consommation est de 150 W on obtient une consommation de 2 kWh/jour soit 1€ au prix de 50 c€/kWh (à revoir en fonction des évolutions du marchés). Ce prix sera plus faible chez l'employeur qui nénéficie généralement d'un meilleur prix vu que les volumes en jeu sont plus élevé*. L'impact en termes de CO2 est de l'ordre de 0.9 kg mais en pratique que cette énergie soit utilisée à domicile ou au bureau ne change (en première approximation) pas grand chose.

Dans le cas d'une production photovoltaïque (PV) au domicile ou au travail, les chiffres vont évidemment varier. Exemple, si vous possédez une installation photovoltaïque et pas votre employeur, vous allez augmentez votre autoconsommation et utilisez votre production locale. Un kWh produit par une installation PV  a un impact environnemental compris entre 10 et 20 fois moindre qu'un kWh d'électricité issu du réseau de distribution... De plus, vu les faibles consommations évoquées, il est fort probable qu'au moins 60 % de votre consommation soit couverte par l'installation PV et donc que le bilan environnemental soit donc divisé par 2. A l'inverse si c'est votre employeur et non vous qui possède une installation PV, le bilan environnemental est plus mauvais dans le cas du télétravail.

* pour autant qu'il n'y ait pas de pénalité conséquente pour l'utilisation de mauvais équipement (cos phi faible)

Eau

En pratique, on considère entre 20 à 40 litres d'eau utilisés quotidiennement durant la période de bureau (toilettes, boisson, repas).

A 5.5 € du m³, cela représente environ 19 c€ par jour. En termes de CO2, peu de différence entre le fait d'alimenter son bâtiment ou celui de son employeur.

N.B.: Il existe évidemment des petites différences dans le cas où les toilettes sont alimentées par de l'eau de pluie ou non.

 Conclusions

En "été", pas de grandes différences: le télétravail est bénéfique tant pour l'environnement que pour votre portefeuille. Ce constat est renforcé dans le cas où vous possédez une installation PV et votre employeur non.

En "hiver", cela va essentiellement dépendre de votre mode de chauffage et de locomotion.

Si vous vous déplacez en voiture sur de moyennes ou grandes distances, il y a fort à parier que le bilan environnemental soit positif (avec toutes les hypothèses qui ont été prises). Cela sera renforcé dans le cas où vous avez une gestion efficace du chauffage de ces locaux (pas de chauffage inutile par le chauffage uniquement de votre pièce de travail au domicile (fermeture des vannes thermostatiques des autres locaux). Mais l'inverse est aussi vrai: ce sera moins rentable pour l'environnement si vous ou votre employeur a une gestion efficace de votre bureau (régulation ou si vous fermez la vanne thermostatique du bureau en votre absence).

Si vous utilisez votre vélo (voire le bus) pour vous déplacer, le télétravail fera vraisemblablement augmenter votre impact environnemental et impactera négativement votre portefeuille car les surcoûts liées aux énergies ne seront pas compensés par les gains des déplacements.

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