Chauffer à 19 °C au travail: une fausse bonne idée?

Rédigé par Kevin Sartor - - Aucun commentaire

L'état fédéral belge et les Universités francophones ont décidé de chauffer les bâtiments à 19 °C (au lieu de 20-22 °C) pour réduire leur consommation et donc la facture énergétique (et indirectement leur impact environnemental).

Outre le fait que l'impact sur la facture pourrait être au maximum de 5% (pour les bâtiments disposant d'une régulation) cela pourrait avoir d'autres conséquences...

N.B.: il s'agit d'une obligation légale en France depuis 1978... [Ref2] même s'il faut nuancer ce propos (voir après)

1. L'effet inverse?

L'idée de cette mesure est de faire des économies mais... si un employé a froid, une technique qu'il pourra utiliser pour atteindre son confort serait de mettre une chaufferette électrique ce qui aura plusieurs conséquences:

  • La température de l'air sera probablement supérieure à celle avec le chauffage traditionnel (le thermostat de la chaufferette sera à même le sol où il y fera plus froid et l'utilisateur ne va probablement pas régler son thermostat pour obtenir seulement le même confort qu'avant (ce qui serait de toute façon compliqué à mettre en place). Cela entrainera donc probablement une surconsommation d'énergie pour le chauffage de la pièce.
  • Les coûts seront plus importants qu'une solution traditionnelle (chaudière / pompe à chaleur) pour le chauffage du bâtiment car le chauffage par électricité "directe"* est généralement plus couteux. Cet effet est d'ailleurs renforcé par le point précédent.
  • De la même façon, le chauffage par électricité directe est plus pénalisant d'un point de vue environnemental - de l'ordre de 60/70 % pour la plupart des installations de chauffage traditionnelles (même si ces dernières génèrent des pertes par le transport de l'eau chaude du dispositif de production vers l'émetteur final (radiateur du local par exemple) ce qui n'est pas le cas (à l'échelle du bâtiment) pour le chauffage par électricité "directe").

* Ce qui est qualifié ici de "direct" est l'usage de l'électricité pour le chauffage via une chaufferette électrique / bain d'huile... par opposition à une pompe à chaleur qui prélève une partie de l'énergie produite à une source froide extérieure (air extérieur, sol...)

2. Les impacts sociétaux

Selon un article de l'Echo, il serait prouvé que la concentration des êtres humains est moins bonne lorsque la température descend sous les 19 °C (aspect renforcé en fonction du ressenti et du métabolisme de tout un chacun). Toujours selon ce même article, des températures trop faibles causent des maladies et des troubles physiques susceptibles d’entraîner de l’absentéisme. L'économie énergétique pourrait donc être compensée par une perte de productivité.

Attention qu'à ma connaissance, le froid ne rend pas malade: il pourrait influencer nos défenses naturelles voire demander davantage de ressources au corps humain. [exemple de Ref, Ref2]. Il est bon de noter que le froid influencerait notamment la production de notre mucus et donc de la barrière naturelle de nos muqueuses.

Pour être indirectement lié à la gestion du chauffage d'un parc de bâtiments, il faut également noter le mécontentement des utilisateurs (ce n'est jamais bon tant pour les relations sociales que pour le bien-être de l'utilisateur) qui doivent subir parfois un inconfort (thermique) et de l'éventuelle surcharge de travail sur les opérateurs de bâtiments**.

3. Le confort vs la température

Le confort (thermique) n'est malheureusement pas seulement lié à la température de l'air à laquelle on chauffe une pièce mais à de nombreux paramètres supplémentaires. Les différents paramètres sont:

  • La température de l'air
  • La température moyenne des parois du local
  • L'humidité relative
  • La vitesse de l'air
  • L'habillement
  • Le métabolisme

Sans rentrer dans les détails (voir la source) et de façon très simplifiée, une température de confort ressentie est calculée comme la moyenne de la température de l'air et celle des parois. Cela veut dire que:

  • Dans un bâtiment peu isolé, la température ressentie va être plus faible que dans un bâtiment isolé pour une même température de l'air
    • En découle qu'une personne installée près d'une vitre "simple vitrage" va probablement ressentir un inconfort plus important que près d'un mur
  • Lors de la relance du lundi matin (lorsque l'on coupe le chauffage le WE dans les bureaux par exemple), la température des parois, sera plus faible, et va également générer un inconfort plus important.

De la nuance?

Un article précise que la mesure française de l'époque (consécutive à la crise pétrolière des années 70), consistait à avoir 19 °C en moyenne, c'est-à-dire une température plus élevée en journée que la nuit. Rappelons que le thermostat d'ambiance n'était pas courant et que l'on chauffait généralement H24 sur base d'une température de retour de l'eau du chauffage (selon mes sources, il semblerait que ce soit encore le cas récemment dans de nombreux établissements (publics)).

Des solutions?

Une solution simple consiste à s'habiller plus chaudement. Il semblerait, selon une étude, que le belge ait tendance à s'habiller de manière "trop légère" en hiver et à compenser par l'utilisation d'une température ambiante (de l'air) plus élevée via un système de chauffage.

L'article précédemment cité énonce qu'il serait préférable d'utiliser des sous vêtements thermiques qu'un gros pull - ce qui semble assez logique vu le but des sous vêtements thermique. Une alternative réside dans l'usage de la technique de l'oignon qui prône d'utiliser plus de deux couches de vêtements afin d'adapter au mieux son confort et de piéger l'air (qui est un isolant) entre les couches pour renforcer l'isolation du corps.

Il est évident que des solutions structurelles sont en effet possible (isolation, étanchéification) mais sont plus lourdes et longues à mettre en oeuvre.

**Notes personnelles

Cette mesure met, selon moi, en lumière deux aspects:

  1. L'importance de la localisation des sondes d'ambiance.
  2. Le fait d'envisager le chauffage continu plutôt que séquentiel (que je prônais précédemment) dans les bâtiments de taille importante

La localisation des sondes

Une sonde d'ambiance est généralement utilisée pour couper un circuit de chauffage lorsque la température ambiante est supérieure à la température de consigne (19 °C) plus un différentiel (1 °C par exemple). Ce différentiel est utilisé pour éviter des cycles de démarrage/arrêt répété des installations tout en limitant la surchauffe du local.

Cependant, l'usage d'une sonde d'ambiance installée dans un bureau "favorisé" hydrauliquement (par exemple près de l'endroit où l'on produit l'énergie) et/ou thermiquement (dans un local qui n'a qu'une seule paroi contre l'extérieur au lieu de deux et qui a donc moins de déperditions) peut générer un inconfort supplémentaire. En effet, ce local sera plus vite à température et coupera le chauffage (chaudière ou circulateur) avant que l'ensemble des locaux soit à température. Cela va donc générer des disparités dans le (in-)confort des occupants. Il est donc important de tenir compte de la localisation du local (ou des locaux) servant de référence et de bien tenir compte de ses déperditions (isolations) ou de ses apports thermiques (est-il caché par un arbre ou au contraire plein Sud; est-il dans ou à côté d'une pièce où se trouve une machine générant de la chaleur...).

Le chauffage séquentiel.

Dans la logique actuelle des régulations, on chauffe lorsque l'on est sous 19 °C et on arrête de chauffer à 20 °C***. Cela permet principalement d'éviter le surchauffe des locaux et accessoirement d'économiser l'énergie électrique des circulateurs****  . Cependant, cela implique que durant une certaine période, la température du local diminue et n'est plus chauffé ce qui peut générer un inconfort supplémentaire "une sensation de froid".

Dès lors, le fait d'être dans un bureau à 19 °C continument chauffé (même avec de l'eau dans le radiateur à 25-30 °C) pourrait avoir un impact positif sur le confort des occupants. En effet, la température des parois est légèrement plus élevée et de l'air chaud circule en permanence dans la pièce garantissant une température plus constante. C'est un peu ce qui est réalisé dans un chauffage par le sol où l'on a pas ces cycles de démarrage/arrêt du chauffage. Pour atteindre ce résultat sans surchauffe des locaux, il faut donc faire en sorte que la température de l'eau servant à chauffer le local soit réduite lorsque la température du local tend vers le point de consigne.

Les questions qui resteront en suspens sont pour ma part:

  1. est-ce plus économique (en tenant compte de tous les aspects: financier, environnemental, sociétal ce que j'oublie) de chauffer tout le temps à une température déterminée ou de réaliser comme avant du chauffage séquentiel
  2. Un corollaire: Ne serait-ce pas plus économique (selon les mêmes critères) de chauffer tout le temps à 19 °C (ou 20 °C) que de chauffer séquentiellement à 21 °C "comme avant".

P.S.: tout en conservant un ralenti nocturne s'entend.

*** dans les meilleurs cas le différentiel lorsque la température diminue peut être plus faible afin de réenclencher le chauffage avant que la température ait trop diminué, ici 19.5 °C mais cela implique quoi qu'il arrive une chute de la température.

**** Energie qui est en général négligeable dans les bâtiments peu isolés au regard des besoins thermiques de chauffage de local, mais qui reste toutefois de l'énergie (électrique) consommée.

Sources

Le confort thermique: https://energieplus-lesite.be/theories/confort11/le-confort-thermique-d1/

 

 

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